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En Allemagne la communauté juive salue une réédition critique de Mein Kampf
Le ministère des Finances de la Bavière, qui détient les droits d’auteur sur le pamphlet d’Adolf Hitler, a annoncé mardi qu’il allait publier à nouveau l’ouvrage en 2015 juste avant qu’il ne tombe dans le domaine public.
«Mon Combat» sera annoté de commentaires d’historiens qui ont déjà entamé leurs travaux. Une édition en anglais, un livre électronique et un livre audio sont également à l’étude, selon la presse.
Une édition destinée aux écoles pourrait également voir le jour, selon les responsables bavarois, qui vont mettre 500 000 euros sur la table pour ce projet.
Le président du Conseil central des juifs d’Allemagne, Dieter Graumann, a assuré qu’il s’agissait d’«une bonne idée».
Version d’Etat
«S’il doit être réédité, je préfère qu’il le soit dans une version de l’Etat régional (Land) de Bavière avec des commentaires de personnes compétentes plutôt que de voir (certains) faire de l’argent avec les nazis», a-t-il indiqué.
L’antenne berlinoise de l’American Jewish Committee, Deidre Berger, a toutefois averti qu’il ne fallait pas «sous-estimer le danger potentiel» représenté par ce livre.
«Mon Combat», rédigé par le Führer pendant un séjour en prison en 1924 après une tentative de putsch, n’est pas interdit par la loi allemande.
Mais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le ministère des Finances du Land de Bavière détient les droits sur cet ouvrage qui esquisse l’idéologie du nazisme et comporte des éléments autobiographiques.
Groupes néonazis
Et il veille strictement à ce qu’il ne soit pas réédité pour éviter leur exploitation éventuelle par des groupes néonazis.
Mais ces droits d’auteur, qui lui ont été confiés par les Alliés à la fin de la guerre, tomberont dans le domaine public fin 2015, 70 ans après le suicide d’Adolf Hitler.
«Nous pensons que nous allons contribuer à démystifier ce livre» en le rééditant, a expliqué Thomas Neumann, le porte-parole du ministère.
Les historiens, qui ont lu «Mein Kampf», insistent sur la piètre qualité d’un texte confus et ennuyeux.
«Le mieux, selon moi, serait que ce livre ne soit pas lu du tout», souligne en outre M. Graumann. Mais «il y a internet, il y a la date de 2015».
Sur des sites marchands, en quelques clics, il est en effet possible d’acquérir l’ouvrage en anglais ou même une édition originale de 1936 à 170 euros ou reliée en cuir pour 180 euros.
Quelque 10 millions d’exemplaires en allemand ont été édités jusqu’en 1945, selon l’historien Ian Kershaw, ce qui signifie que de nombreux exemplaires sont encore aujourd’hui en circulation.
Cadeau de mariage
«Mein Kampf», qui devint à partir de 1936 le cadeau de mariage de l’Etat aux couples allemands, est également consultable sur certains sites internet.
Or le fondateur de l’initiative de Prévention de la haine en France, Philippe Coen regrette que la Bavière ne s’attaque pas vraiment à ce problème.
«Il faudrait aider les opérateurs internet qu’ils soient éditeurs ou moteurs de recherche à faire ce qu’on fait avec les jeux vidéos avec une signalétique avertissant d’un contenu dangereux», selon lui.
La décision de la Bavière montre toutefois que le débat autour d’Hitler a «perdu de son caractère tabou par rapport aux années 50 ou 60», souligne Daniel Eck qui a étudié la façon dont l’Allemagne se confronte à son passé.
Le regard de la société allemande évolue également. S’il ne se passe pas une semaine sans que la télévision ne diffuse un documentaire sur le Troisième Reich, le cinéma, par exemple, a tenté une nouvelle approche. Le film «La Chute», qui raconte les derniers jours d’Hitler par exemple, avait attiré plus de 4,5 millions d’Allemands dans les salles obscures en 2004.
(AFP)
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