[:fr]
Tous les ingrédients de l’inflammable cocktail haineux sont rassemblés : théorie du complot, mises au pilori de personnalités « cosmopolites », chasses au faciès et ratonades, communautarisation des esprits…
La montée des populismes en Grèce ne faiblit pas. Au contraire, le parti de gauche dure Syriza caracole en tête des sondages, devant le parti de la majorité actuelle, Nouvelle Démocratie, suivi du parti néonazi Aube dorée. Des politiques influents au sein de Nouvelle Démocratie sont issus d’un autre parti de la droite extrême, le LAOS.
C’est dans ce contexte que l’on assiste à une agitation politico-médiatique autour de la « liste Lagarde », censée recenser les comptes de la succursale genevoise de HSBC ayant des détenteurs grecs.
Ces jours derniers encore, nombre de médias grecs continuent à agiter des « théories du complot » sur l’évasion fiscale autour de la liste Lagarde, tandis que depuis le début du mois de février la commission parlementaire enquêtant sur la question mène des auditions à grand spectacle. L’enquête progresse de curieuse façon : la liste des Internet users correspondant aux comptes HSBC, pourtant formée des employés de back office, sont dans le collimateur de la presse, voire de la section de lutte contre la criminalité économique et financière du procureur !
Pour détourner sans doute l’attention sur le fait que la « liste Lagarde » pourrait mettre en cause d’anciens ou actuels dirigeants grecs, un député, ancien vice-premier ministre et ancien ministre grec des finances, issu du Pasok, avait déclaré en octobre devant une commission du Parlement qu’il avait retiré d’un rapide examen d’une version de la liste « l’impression désagréable que trois des noms étaient ceux de Grecs d’origine juive ». A suivi une campagne contre Sabby Mionis, philanthrope grec maintenant basé en Israël, dans des médias proches de Makis Voridis tels que le quotidien à sensation Demokratia prétendant apporter de nouvelles révélations sur la « liste Lagarde » et « le gréco-juif aux mille visages » (titre du 9 décembre 2012), repris par de nombreux blogs.
Le leader socialiste grec semble depuis avoir fait amende honorable en assurant le président de l’organisation de la communauté juive grecque de ses bonnes intentions, tandis que son porte-parole répondait dans ce sens au chroniqueur Jean Cohen.
Kostas Vaxevanis, journaliste et rédacteur en chef de Hot Doc, a dénoncé dès décembre la campagne menée contre le philanthrope, et souligné le rôle de Makis Voridis, ex-dirigeant du Front Hellénique, qui a tenu à plusieurs reprises des propos négationnistes, proche de Bruno Gollnisch et de Carl Lang et ancien ministre des transports du gouvernement de coalition de Lucas Papademos (de novembre 2011 à mai 2012), aujourd’hui membre de Nouvelle Démocratie.
LA DÉMOCRATIE MISE À L’ÉPREUVE
La démocratie en Grèce est une fois de plus mise à l’épreuve. La crise économique ne peut expliquer à elle seule un tel déferlement. Elle met cependant en lumière une difficulté à gérer et accepter les minorités, difficulté que partagent les autres membres de l’Union européenne mais qui s’exprime de manière particulièrement exacerbée dans ce pays frontière, soumis à une forte immigration clandestine. Cette « pathologie », si elle n’est pas endiguée, risque fort de s’étendre au-delà des frontières de la Grèce.
Rappelons aussi que ce constat est partagé par un grand nombre de Grecs. Ainsi, plusieurs centaines de Grecs et d’immigrés ont participé samedi 19 janvier à un défilé pacifique à Athènes contre le racisme et l’extrême-droite pour protester contre les agressions xénophobes qui se sont multipliées en Grèce.
Lire la suite:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/04/alerte-a-la-haine-en-grece_1842547_3232.html
Il est temps également de prendre, au-delà de la seule Grèce, la mesure du risque de désagrégation du tissu humain et moral qui a fait l’Europe et de réagir à la montée des égoïsmes nationaux ou identitaires, dans l’intérêt même des populations européennes. Lorsque la Grèce souffre de xénophobie rampante, c’est l’âme de l’Europe qui est atteinte. L’Union européenne, le gouvernement grec et nos gouvernants locaux ont la capacité à agir ensemble pour appeler à la vigilance les leaders d’opinion de la Grèce (y compris l’influente Eglise orthodoxe). Il est des combats qu’il est nécessaire de mener avant qu’il ne soit trop tard.
C’est dans ce contexte que l’on assiste à une agitation politico-médiatique autour de la « liste Lagarde », censée recenser les comptes de la succursale genevoise de HSBC ayant des détenteurs grecs.
Ces jours derniers encore, nombre de médias grecs continuent à agiter des « théories du complot » sur l’évasion fiscale autour de la liste Lagarde, tandis que depuis le début du mois de février la commission parlementaire enquêtant sur la question mène des auditions à grand spectacle. L’enquête progresse de curieuse façon : la liste des Internet users correspondant aux comptes HSBC, pourtant formée des employés de back office, sont dans le collimateur de la presse, voire de la section de lutte contre la criminalité économique et financière du procureur !
Pour détourner sans doute l’attention sur le fait que la « liste Lagarde » pourrait mettre en cause d’anciens ou actuels dirigeants grecs, un député, ancien vice-premier ministre et ancien ministre grec des finances, issu du Pasok, avait déclaré en octobre devant une commission du Parlement qu’il avait retiré d’un rapide examen d’une version de la liste « l’impression désagréable que trois des noms étaient ceux de Grecs d’origine juive ». A suivi une campagne contre Sabby Mionis, philanthrope grec maintenant basé en Israël, dans des médias proches de Makis Voridis tels que le quotidien à sensation Demokratia prétendant apporter de nouvelles révélations sur la « liste Lagarde » et « le gréco-juif aux mille visages » (titre du 9 décembre 2012), repris par de nombreux blogs.
Le leader socialiste grec semble depuis avoir fait amende honorable en assurant le président de l’organisation de la communauté juive grecque de ses bonnes intentions, tandis que son porte-parole répondait dans ce sens au chroniqueur Jean Cohen.
Kostas Vaxevanis, journaliste et rédacteur en chef de Hot Doc, a dénoncé dès décembre la campagne menée contre le philanthrope, et souligné le rôle de Makis Voridis, ex-dirigeant du Front Hellénique, qui a tenu à plusieurs reprises des propos négationnistes, proche de Bruno Gollnisch et de Carl Lang et ancien ministre des transports du gouvernement de coalition de Lucas Papademos (de novembre 2011 à mai 2012), aujourd’hui membre de Nouvelle Démocratie.
LA DÉMOCRATIE MISE À L’ÉPREUVE
La démocratie en Grèce est une fois de plus mise à l’épreuve. La crise économique ne peut expliquer à elle seule un tel déferlement. Elle met cependant en lumière une difficulté à gérer et accepter les minorités, difficulté que partagent les autres membres de l’Union européenne mais qui s’exprime de manière particulièrement exacerbée dans ce pays frontière, soumis à une forte immigration clandestine. Cette « pathologie », si elle n’est pas endiguée, risque fort de s’étendre au-delà des frontières de la Grèce.
Rappelons aussi que ce constat est partagé par un grand nombre de Grecs. Ainsi, plusieurs centaines de Grecs et d’immigrés ont participé samedi 19 janvier à un défilé pacifique à Athènes contre le racisme et l’extrême-droite pour protester contre les agressions xénophobes qui se sont multipliées en Grèce.
Lire la suite:
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/04/alerte-a-la-haine-en-grece_1842547_3232.html
Il est temps également de prendre, au-delà de la seule Grèce, la mesure du risque de désagrégation du tissu humain et moral qui a fait l’Europe et de réagir à la montée des égoïsmes nationaux ou identitaires, dans l’intérêt même des populations européennes. Lorsque la Grèce souffre de xénophobie rampante, c’est l’âme de l’Europe qui est atteinte. L’Union européenne, le gouvernement grec et nos gouvernants locaux ont la capacité à agir ensemble pour appeler à la vigilance les leaders d’opinion de la Grèce (y compris l’influente Eglise orthodoxe). Il est des combats qu’il est nécessaire de mener avant qu’il ne soit trop tard.
Philippe Coen, fondateur de l’Initiative de prévention de la haine et Eric Diamantis, avocat, vice-président du conseil d’administration de l’Ipemed
[:]