[:fr]http://www.huffingtonpost.fr/philippe-coen/criminaliser-sites-haines-limites_b_1502932.html
Le projet de loi de Nicolas Sarkozy sur la criminalisation de l’accès aux sites de haine et celui du Land de Bavière sur une édition annotée de Mein Kampf ont plusieurs limites.
Les douze mois qui précèdent auront décidément scellé la fin des tabous de la haine raciste et antisémite, de Lars Van Triers à Galliano, de Oslo à Toulouse de la vidéo de Fofana en prison aux récidives de langage du parfumeur Guerlain etc. etc. Cette accélération de haine en libération intervient à l’abord de la fin de la survivance des témoins directs de la seconde guerre mondiale et correspond aussi à la fin de la persistance des droits d’auteurs sur Mein Kampf d’Adolf Hitler, expirant en 2015 (70 ans après sa mort).
Pour y répondre, un des derniers projets du quinquennat de Nicolas Sarkozy, a été de « punir pénalement » toute personne « qui consulterait de manière inhabituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence ». Par delà les problèmes posés par une proposition faite « à chaud », dans l’émotion causée par l’assassinat de sept innocents à Toulouse, le président a eu le mérite d’interroger un facteur relativement nouveau et mal maîtrisé: la diffusion et la réception des contenus de haine sur Internet.
Le réseau mondial est devenu un gigantesque dépositaire de contenus racistes et antisémites. L’exemple de Mohamed Merah montre comment des individus isolés peuvent être radicalisés par la consultation de sites égosillés de haine. Or, l’intérêt pour la haine de l’autre n’est pas nécessairement démonstratif de la haine que l’on porte. La volonté fantasmagorique du contrôle de cet archipel capillaire est, il faut le reconnaître, très difficile et probablement vain.
Mise en œuvre, la proposition de Nicolas Sarkozy risquerait de pénaliser ceux qui s’intéressent au phénomène de l’extrémisme sans être perméable à leurs logiques de destruction sans compter les nombreux chercheurs, journalistes, étudiants qui travaillent sur ces questions. Il faudrait alors donner des autorisations de consultations à des personnes qualifiées, ce qui est bien sûr irréalisable et reviendrait à constituer l’équivalent des index des bibliothèques auxquels seuls des lecteurs choisis pouvaient accéder. L’Internet est un réseau ouvert, mouvant, aux contours incertains. Une législation uniquement française s’avérerait impuissante et une législation internationale utopiste. La question de la simple liberté de lecture et de téléchargement de contenus se poserait très vite, au regard des lois françaises et des directives européennes. Quant à une censure pure et simple des contenus, elle est inenvisageable en démocratie du fait même de l’architecture de l’Internet.
Face à ces difficultés mais aussi à la nécessité pressante d’agir, le cas électrochoc Mohamed Merah nous appelle à inventer des propositions praticables. Mein Kampf (toujours best-seller formidablement diffusé en ligne) en est un exemple emblématique surtout dans le contexte de son arrivée dans le domaine public en 2016. Cette réflexion a fait l’objet d’une initiative de fond d’origine française récente qui rassemble, entre autres, des juristes, des historiens, et des acteurs de l’Internet. L’Initiative de pévention de haine (consultable ici) propose des mesures pour encourager, par voie d’auto régulation, les opérateurs et les éditeurs papier et Internet à utiliser une signalétique (logo) et un appareil critique, distinguant ainsi par la négative ceux qui par extrémisme feraient le choix d’ignorer la mise à distance critique de la haine.
La création d’un Observatoire de prévention de la haine, constitué par un réseau informel d’experts, sera nécessaire pour réfléchir en continu au processus de signalétique. La proposition de réprimer « par un délit figurant dans le Code pénal avec les moyens qui sont déjà ceux de la lutte anti-terroriste » est un encouragement à développer des techniques de contournement et son caractère préventif est bien illusoire et laisse sceptique sur son efficacité.
La proposition alternative à la pénalisation de l’accès haineux est d’aider au discernement et au balisage en ligne plutôt que l’épouvantail improbable du cyber gendarme.
Le Land de Bavière reste quant à lui titulaire des droits d’auteur de Mein Kampf jusqu’en fin 2015 après quoi seul le droit moral du droit d’auteur restera entre ses mains. L’Initiative de prévention de la haine a fait partie des forces qui ont permis de convaincre le Land de Bavière pour réformer son approche à 180 degrés et qu’il annonce tout récemment son projet de publier un version annotée de Mein Kampf. Pourtant les méfaits de la théorie hyper diffusée d’Hitler dépassent largement la région munichoise.
A l’instar du projet de criminalisation de l’accès aux sites de haine proposé par Nicolas Sarkozy, le projet du land de Bavière s’en tient à une idée locale, non concertée, difficilement transposable, sans réflexion transfrontière, pour un défi en ligne qui lui reste solidement global et qui nécessite l’implication des opérateurs de l’internet responsable, à commencer par les moteurs de recherche, porte d’entrée vers la différenciation entre l’éducatif et le haineux.
http://www.huffingtonpost.fr/philippe-coen/criminaliser-sites-haines-limites_b_1502932.html
Les douze mois qui précèdent auront décidément scellé la fin des tabous de la haine raciste et antisémite, de Lars Van Triers à Galliano, de Oslo à Toulouse de la vidéo de Fofana en prison aux récidives de langage du parfumeur Guerlain etc. etc. Cette accélération de haine en libération intervient à l’abord de la fin de la survivance des témoins directs de la seconde guerre mondiale et correspond aussi à la fin de la persistance des droits d’auteurs sur Mein Kampf d’Adolf Hitler, expirant en 2015 (70 ans après sa mort).
Pour y répondre, un des derniers projets du quinquennat de Nicolas Sarkozy, a été de « punir pénalement » toute personne « qui consulterait de manière inhabituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence ». Par delà les problèmes posés par une proposition faite « à chaud », dans l’émotion causée par l’assassinat de sept innocents à Toulouse, le président a eu le mérite d’interroger un facteur relativement nouveau et mal maîtrisé: la diffusion et la réception des contenus de haine sur Internet.
Le réseau mondial est devenu un gigantesque dépositaire de contenus racistes et antisémites. L’exemple de Mohamed Merah montre comment des individus isolés peuvent être radicalisés par la consultation de sites égosillés de haine. Or, l’intérêt pour la haine de l’autre n’est pas nécessairement démonstratif de la haine que l’on porte. La volonté fantasmagorique du contrôle de cet archipel capillaire est, il faut le reconnaître, très difficile et probablement vain.
Mise en œuvre, la proposition de Nicolas Sarkozy risquerait de pénaliser ceux qui s’intéressent au phénomène de l’extrémisme sans être perméable à leurs logiques de destruction sans compter les nombreux chercheurs, journalistes, étudiants qui travaillent sur ces questions. Il faudrait alors donner des autorisations de consultations à des personnes qualifiées, ce qui est bien sûr irréalisable et reviendrait à constituer l’équivalent des index des bibliothèques auxquels seuls des lecteurs choisis pouvaient accéder. L’Internet est un réseau ouvert, mouvant, aux contours incertains. Une législation uniquement française s’avérerait impuissante et une législation internationale utopiste. La question de la simple liberté de lecture et de téléchargement de contenus se poserait très vite, au regard des lois françaises et des directives européennes. Quant à une censure pure et simple des contenus, elle est inenvisageable en démocratie du fait même de l’architecture de l’Internet.
Face à ces difficultés mais aussi à la nécessité pressante d’agir, le cas électrochoc Mohamed Merah nous appelle à inventer des propositions praticables. Mein Kampf (toujours best-seller formidablement diffusé en ligne) en est un exemple emblématique surtout dans le contexte de son arrivée dans le domaine public en 2016. Cette réflexion a fait l’objet d’une initiative de fond d’origine française récente qui rassemble, entre autres, des juristes, des historiens, et des acteurs de l’Internet. L’Initiative de pévention de haine (consultable ici) propose des mesures pour encourager, par voie d’auto régulation, les opérateurs et les éditeurs papier et Internet à utiliser une signalétique (logo) et un appareil critique, distinguant ainsi par la négative ceux qui par extrémisme feraient le choix d’ignorer la mise à distance critique de la haine.
La création d’un Observatoire de prévention de la haine, constitué par un réseau informel d’experts, sera nécessaire pour réfléchir en continu au processus de signalétique. La proposition de réprimer « par un délit figurant dans le Code pénal avec les moyens qui sont déjà ceux de la lutte anti-terroriste » est un encouragement à développer des techniques de contournement et son caractère préventif est bien illusoire et laisse sceptique sur son efficacité.
La proposition alternative à la pénalisation de l’accès haineux est d’aider au discernement et au balisage en ligne plutôt que l’épouvantail improbable du cyber gendarme.
Le Land de Bavière reste quant à lui titulaire des droits d’auteur de Mein Kampf jusqu’en fin 2015 après quoi seul le droit moral du droit d’auteur restera entre ses mains. L’Initiative de prévention de la haine a fait partie des forces qui ont permis de convaincre le Land de Bavière pour réformer son approche à 180 degrés et qu’il annonce tout récemment son projet de publier un version annotée de Mein Kampf. Pourtant les méfaits de la théorie hyper diffusée d’Hitler dépassent largement la région munichoise.
A l’instar du projet de criminalisation de l’accès aux sites de haine proposé par Nicolas Sarkozy, le projet du land de Bavière s’en tient à une idée locale, non concertée, difficilement transposable, sans réflexion transfrontière, pour un défi en ligne qui lui reste solidement global et qui nécessite l’implication des opérateurs de l’internet responsable, à commencer par les moteurs de recherche, porte d’entrée vers la différenciation entre l’éducatif et le haineux.
http://www.huffingtonpost.fr/philippe-coen/criminaliser-sites-haines-limites_b_1502932.html
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