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MEIN KAMPF : ITINERAIRE DU LIVRE DE LA HAINE
Documentaire d’ Antoine VITKINE
Coproduction : ARTE France – Doc en Stock (120mn)
Ce documentaire de 2008 (55 mns), diffusé le mardi 6 mai sur Arte, appuyé sur des images d’archives, des témoignages d’Allemands et de Français, et la parole d’historiens comme Edouard Husson, O. Plöckinger ou Fabrice d’Almeida, retrace le destin de Mein Kampf jusqu’à nos jours (alors que sa reproduction ou réédition intégrale est interdite en Allemagne actuellement, et qu’il connaît un succès de librairie en Turquie avec 80 000 exemplaires d’une nouvelle édition vendus en 2005).
Mein Kampf, c’était écrit
Un documentaire de Antoine Vitkine
Tout ce qu’Hitler a mis en oeuvre était écrit dans Mein Kampf. Comment expliquer que les pays voisins ne s’en soient pas inquiétés ? Pourquoi le livre continue-t-il à faire peur ? Une enquête rigoureuse et inédite d’Antoine Vitkine.
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Publié à 12 millions d’exemplaires en Allemagne entre 1925 et 1945 et à des centaines de milliers dans le monde, traduit en seize langues, aujourd’hui encore vendu à travers la planète, récent best-seller en Turquie, Mein Kampf est un livre qui dérange et dont l’histoire reste largement méconnue. Comment ce livre a-t-il été écrit ? Quel rôle a-t-il joué dans l’accession d’Hitler au pouvoir ? Qui, parmi les millions d’Allemands qui l’ont possédé, l’a réellement lu ? A-t-il constitué un avertissement contre les dangers du nazisme ? Quel est le lien entre Mein Kampf et la Shoah ?
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Des questions essentielles lorsque l’on songe qu’Hitler a mis en oeuvre quasiment tout ce qu’il avait écrit : la guerre contre la France et l’URSS, l’annexion de l’Autriche, l’eugénisme, les lois raciales et la destruction des juifs d’Europe. Après avoir retracé la genèse de l’ouvrage – sa rédaction en 1924, puis sa diffusion à très grande échelle à partir de 1933 -, le film relate un épisode méconnu : l’étonnante bataille autour de son édition en France. Dès 1934, Fernand Sorlot, un éditeur proche de l’extrême droite maurassienne, publie une première traduction sans en avoir les droits. Son objectif : alerter l’opinion française sur les visées revanchardes du nouveau chancelier allemand (son antisémitisme virulent ne suscitant, lui, aucun émoi particulier).
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Aussitôt, Hitler attaque l’éditeur pour violation du droit d’auteur et gagne son procès. Derrière cette bataille juridique se cache une réalité politique et militaire : l’Allemagne n’est pas encore prête à faire la guerre et il ne faut pas dresser trop tôt les Français contre elle. L’entreprise de séduction se poursuivra avec la publication, à la fin des années 30, d’un « faux » Mein Kampf prônant la paix et totalement expurgé des passages antifrançais. Lorsque les véritables intentions d’Hitler se révéleront, en 1939, il sera trop tard. Le film explore également le tabou et le malaise qui continuent de flotter autour de l’ouvrage. Du ministère des Finances de Bavière, propriétaire des droits d’auteur (l’administration se sert de la possession du copyright pour interdire de nouvelles publications), aux librairies turques en passant par le témoignage d’un ancien militant d’extrême droite, il cherche à comprendre pourquoi Mein Kampf est un poison qui agit encore.
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(France, 2008, 56mn)
ARTE F
Réalisateur: Antoine Vitkine
(France, 2008, 56mn)
ARTE F
Réalisateur: Antoine Vitkine
Le film s’articule autour de plusieurs questions : sa réception à l’époque du III° Reich, la lecture et la compréhension qui en ont été faites par le peuple allemand, mais aussi par les autres puissances européennes, notamment la France, ou son parcours après la chute du III° Reich.
Mein Kampf, sous le III° Reich
Dès le début de sa carrière politique, Hitler a annoncé ses projets de guerre et de destruction dans ce « best-seller », dicté en 1924 dans sa cellule de la prison de Landsberg, en Bavière, à un petit groupe de fidèles, et diffusé massivement par la maison d’édition du parti, dont le directeur a choisi le titre.
Plusieurs milliers d’exemplaires se vendent dès sa publication auprès des sympathisants d’Hitler. Mein Kampf n’est pas seulement un programme politique, il a pour ambition de changer l’image d’Hitler après son putsch raté. Il cherche à accéder au statut plus valorisant d’écrivain.
La présence d’un antisémitisme dans l’élite académique et les milieux ultra nationalistes est rappelée et l’historien Edouard Husson apporte un premier éclairage pour comprendre l’intérêt que suscite alors l’ouvrage : Hitler « a réponse à tout », en rendant les juifs responsables de ses échecs personnels comme de ceux de l’Allemagne après la Première guerre mondiale. Il mêle l’aspect autobiographique et le destin collectif allemand. Les Allemands se reconnaissent au plan collectif et individuel dans le parcours hitlérien.
En 1929, avec les premiers succès électoraux et la transformation du NSDAP en un parti de masse, les sympathisants mais aussi les curieux s’intéressent de plus en plus au livre, et c’est notamment grâce à ses droits d’auteurs, conséquents, qu’Hitler achète le Berghof.
A partir de 1933, Mein Kampf devient « la bible du III° Reich », dont on fabrique par exemple un exemplaire monumental, une édition de luxe ou des versions en braille. Encarts publicitaires et films de propagande cherchent à le promouvoir et dès 1936, un exemplaire du livre est offert par les mairies à tous les couples qui se marient. 4 millions d’exemplaires seront ainsi distribués aux Allemands, réussite célébrée par Goebbels.
A la fin du III° Reich, 12 millions d’exemplaires de Mein Kampf sont présents dans les foyers allemands, soit dans un foyer allemand sur deux. Mais les Allemands l’ont-ils lu ?
H. Mommsen, historien à l’université de Bochum, avance l’idée que c’est un des best-sellers les moins lus à l’époque, bien qu’ il se trouve entre les mains des jeunes mariés et des fonctionnaires, obligés de l’acheter. Cette question fait actuellement débat et O. Plöckinger, historien autrichien, a consulté les registres des emprunts dans les bibliothèques, afin d’essayer de cerner l’intérêt qui est porté à ce livre : en 1933-1934 les emprunts témoignent d’une vague d’intérêt, qui retombe ensuite, mais se renouvelle en période de crise, comme en 1938-1939.
Fabrice d’Almeida (IHTP) souligne par ailleurs que le livre imprègne l’Allemagne par tous les extraits, digestes, répandus. Le livre sensibilise très au-delà du nombre d’exemplaires en possession des Allemands. Beaucoup de discours d’hommes politiques commencent par un extrait, on distribue des petites bannières où des phrases de Mein Kampf sont inscrites, etc.
Mais lire n’est pas forcément comprendre. Les Allemands pouvaient-ils comprendre que le projet contenu dans Mein Kampfmènerait à l’extermination ?, se demande le documentaire.
Selon Fabrice d’Almeida, si les Allemands se sont « habitués » aux humiliations quotidiennes dont sont victimes les juifs, comme le boycott des magasins, les vitrines cassées, quand on parle « d’annihilation », ils n’entrevoient pas la solution finale.
Un témoin, juif alsacien, à qui l’on demande si le texte est difficile à comprendre, a cette formule : « Un texte difficile à comprendre ? Non, à admettre ».
Une fois Hitler arrivé au pouvoir, le monde entier veut connaître ses projets. Une dizaine de traductions sont produites, jusqu’au Brésil. Les traductions sont toutefois expurgées des passages trop violents ou explicites.
Josselin Bordat, chercheur à Sciences Po Paris, souligne la volonté d’Hitler de contrôler la diffusion du texte. Dicté au départ devant un parterre de fanatiques en prison, ce plan de domination du monde distribué à des millions d’exemplaires à travers le monde, peut l’embarrasser. C’est une « conspiration en plein jour ». Ainsi les nazis refusent-ils de laisser traduire et distribuer le livre en France. Hitler préconise en effet dans l’ouvrage un système d’alliance pour détruire le pays.
Une petite maison d’édition, Les nouvelles éditions latines, de Fernand Sorlot, qui appartient à l’extrême– droite maurassienne mais anti-hitlérienne, décide de braver l’interdit de traduction et sort une version de 700 pages, provoquant la colère du Führer. Celui-ci porte plainte contre Sorlot pour violation du droit d’auteur en 1934, et les juges lui donnent raison, retirant le livre de la vente. La Ligue contre l’antisémitisme sauve une partie des livres et en envoie 5000 exemplaires à des leaders d’opinion. Mais comme en Allemagne, on ne sait que penser du livre.
Les élites françaises sont-elles prêtes à accepter l’idée d’ une guerre à venir, se demande J. Bordat, tandis qu’Edouard Husson montre qu’Hitler a cherché à rassurer : il affirme que depuis ce livre, écrit avant son arrivée au pouvoir, il a modéré ses sentiments. Ainsi, en 1936 dans une interview au journal Le matin, il se présente comme un « apôtre persécuté ». « J’ai changé » « Soyons amis », conclue-t-il. En 1938, alors que les Français et les Anglais négocient avec le Führer, la désinformation est poussée en France jusqu’à la parution aux éditions Fayard d’un « faux Mein Kampf » où les phrases hostiles au peuple français sont complètement modifiées. Et lorsqu’en 1939, la marche à la guerre contribue à la diffusion de dizaines de fascicules sur Mein Kampf, l’obsession anti-française d’Hitler est révélée, mais le sort promis aux Juifs est en général ignoré.
Des passages explicitement racistes sont par contre utilisés dans les films de propagande américains pour inciter par exemple les noirs américains à s’engager contre Hitler.
Mein Kampf, après la chute du III° Reich
P. Reichel, de l’université de Hambourg , souligne la volonté après la guerre d’éradiquer le livre, considéré comme une « arme secrète » d’Hitler. Les bibliothèques stockent les ouvrages dans une pièce nommée « giftkammer » , la « chambre des poisons ». Mais pas de chambre des poisons dans les foyers allemands, aussi les ouvrages rejoignent les greniers ou même sont enterrés dans les jardins, tant cet « objet délicat » embarrasse les allemands, qui ne se résolvent pas tous à le détruire, alors que par contre les plaques d’imprimerie qui ont servi pour Mein Kampf sont fondues solennellement.
Actuellement en Alemagne, reproduire intégralement Mein Kampf, même dans un cadre scientifique est interdit, ce qu’a appris à ses dépens un professeur qui en a distribué un exemplaire photocopié à ses élèves dans le cadre d’une étude historique sur l’édition. Les droits d’auteur appartiennent à l’Etat de Bavière. Et lorsque le haut fonctionnaire chargé de cette vigilance, B. Schreiber, est interrogé sur son rôle, à savoir empêcher les nouvelles éditions, son embarras est plus que palpable face à la question suivante : la réédition n’est-elle pas empêchée par peur de son succès possible ? Si B. Schreiber évoque le respect pour les victimes, il apparaît que ce livre « qui parle », pour reprendre l’expression de l’historien P. Reichel, reste un tabou.
Les discussions sont passionnelles en Allemagne pour savoir s’il en faut une publication intégrale, et sans commentaire ou commentée, alors que le livre est en vente en Russie, ou en France, et connaît une « nouvelle jeunesse » dans une partie du monde musulman, Mein Kampfincarnant un « contre-livre de l’occident civilisé » selon le documentaire, et soutenant des idées antisémites. En 2005 l’Etat de Bavière est intervenu alors que 80 000 exemplaires d’une nouvelle édition se sont vendus en Turquie, faisant du livre un best-seller à l’échelle de ce pays.
Le documentaire a été suivi d’un entretien avec l’historien H. Möller de l’institut allemand d’histoire contemporaine, qui préconise une édition pour démythifier le texte. Beaucoup d’autres textes comme les journaux de Goebbels sont parus, accompagnés de commentaires, grâce à l’institut allemand d’histoire contemporaine. Möller souhaite une édition qu’on ne puisse pas instrumentaliser car elle serait commentée, avec des éléments sur la propagande, les influences, le contexte, les changements de style et de fond entre les plus de mille éditions de Mein Kampf et les près de 2600 modifications apportées au livre jusqu’en 1939. Il y a quelques jours le Conseil central des juifs d’Allemagne s’est également prononcé pour la réédition du livre, assortie de commentaires.
Pour en savoir davantage, sur le site d’Arte, lire l’entretien avec le réalisateur, A. Vitkine : http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/Les-breviaires-de-la-haine/Interview-du-realisateur/2015776.html
Mein Kampf, sous le III° Reich
Dès le début de sa carrière politique, Hitler a annoncé ses projets de guerre et de destruction dans ce « best-seller », dicté en 1924 dans sa cellule de la prison de Landsberg, en Bavière, à un petit groupe de fidèles, et diffusé massivement par la maison d’édition du parti, dont le directeur a choisi le titre.
Plusieurs milliers d’exemplaires se vendent dès sa publication auprès des sympathisants d’Hitler. Mein Kampf n’est pas seulement un programme politique, il a pour ambition de changer l’image d’Hitler après son putsch raté. Il cherche à accéder au statut plus valorisant d’écrivain.
La présence d’un antisémitisme dans l’élite académique et les milieux ultra nationalistes est rappelée et l’historien Edouard Husson apporte un premier éclairage pour comprendre l’intérêt que suscite alors l’ouvrage : Hitler « a réponse à tout », en rendant les juifs responsables de ses échecs personnels comme de ceux de l’Allemagne après la Première guerre mondiale. Il mêle l’aspect autobiographique et le destin collectif allemand. Les Allemands se reconnaissent au plan collectif et individuel dans le parcours hitlérien.
En 1929, avec les premiers succès électoraux et la transformation du NSDAP en un parti de masse, les sympathisants mais aussi les curieux s’intéressent de plus en plus au livre, et c’est notamment grâce à ses droits d’auteurs, conséquents, qu’Hitler achète le Berghof.
A partir de 1933, Mein Kampf devient « la bible du III° Reich », dont on fabrique par exemple un exemplaire monumental, une édition de luxe ou des versions en braille. Encarts publicitaires et films de propagande cherchent à le promouvoir et dès 1936, un exemplaire du livre est offert par les mairies à tous les couples qui se marient. 4 millions d’exemplaires seront ainsi distribués aux Allemands, réussite célébrée par Goebbels.
A la fin du III° Reich, 12 millions d’exemplaires de Mein Kampf sont présents dans les foyers allemands, soit dans un foyer allemand sur deux. Mais les Allemands l’ont-ils lu ?
H. Mommsen, historien à l’université de Bochum, avance l’idée que c’est un des best-sellers les moins lus à l’époque, bien qu’ il se trouve entre les mains des jeunes mariés et des fonctionnaires, obligés de l’acheter. Cette question fait actuellement débat et O. Plöckinger, historien autrichien, a consulté les registres des emprunts dans les bibliothèques, afin d’essayer de cerner l’intérêt qui est porté à ce livre : en 1933-1934 les emprunts témoignent d’une vague d’intérêt, qui retombe ensuite, mais se renouvelle en période de crise, comme en 1938-1939.
Fabrice d’Almeida (IHTP) souligne par ailleurs que le livre imprègne l’Allemagne par tous les extraits, digestes, répandus. Le livre sensibilise très au-delà du nombre d’exemplaires en possession des Allemands. Beaucoup de discours d’hommes politiques commencent par un extrait, on distribue des petites bannières où des phrases de Mein Kampf sont inscrites, etc.
Mais lire n’est pas forcément comprendre. Les Allemands pouvaient-ils comprendre que le projet contenu dans Mein Kampfmènerait à l’extermination ?, se demande le documentaire.
Selon Fabrice d’Almeida, si les Allemands se sont « habitués » aux humiliations quotidiennes dont sont victimes les juifs, comme le boycott des magasins, les vitrines cassées, quand on parle « d’annihilation », ils n’entrevoient pas la solution finale.
Un témoin, juif alsacien, à qui l’on demande si le texte est difficile à comprendre, a cette formule : « Un texte difficile à comprendre ? Non, à admettre ».
Une fois Hitler arrivé au pouvoir, le monde entier veut connaître ses projets. Une dizaine de traductions sont produites, jusqu’au Brésil. Les traductions sont toutefois expurgées des passages trop violents ou explicites.
Josselin Bordat, chercheur à Sciences Po Paris, souligne la volonté d’Hitler de contrôler la diffusion du texte. Dicté au départ devant un parterre de fanatiques en prison, ce plan de domination du monde distribué à des millions d’exemplaires à travers le monde, peut l’embarrasser. C’est une « conspiration en plein jour ». Ainsi les nazis refusent-ils de laisser traduire et distribuer le livre en France. Hitler préconise en effet dans l’ouvrage un système d’alliance pour détruire le pays.
Une petite maison d’édition, Les nouvelles éditions latines, de Fernand Sorlot, qui appartient à l’extrême– droite maurassienne mais anti-hitlérienne, décide de braver l’interdit de traduction et sort une version de 700 pages, provoquant la colère du Führer. Celui-ci porte plainte contre Sorlot pour violation du droit d’auteur en 1934, et les juges lui donnent raison, retirant le livre de la vente. La Ligue contre l’antisémitisme sauve une partie des livres et en envoie 5000 exemplaires à des leaders d’opinion. Mais comme en Allemagne, on ne sait que penser du livre.
Les élites françaises sont-elles prêtes à accepter l’idée d’ une guerre à venir, se demande J. Bordat, tandis qu’Edouard Husson montre qu’Hitler a cherché à rassurer : il affirme que depuis ce livre, écrit avant son arrivée au pouvoir, il a modéré ses sentiments. Ainsi, en 1936 dans une interview au journal Le matin, il se présente comme un « apôtre persécuté ». « J’ai changé » « Soyons amis », conclue-t-il. En 1938, alors que les Français et les Anglais négocient avec le Führer, la désinformation est poussée en France jusqu’à la parution aux éditions Fayard d’un « faux Mein Kampf » où les phrases hostiles au peuple français sont complètement modifiées. Et lorsqu’en 1939, la marche à la guerre contribue à la diffusion de dizaines de fascicules sur Mein Kampf, l’obsession anti-française d’Hitler est révélée, mais le sort promis aux Juifs est en général ignoré.
Des passages explicitement racistes sont par contre utilisés dans les films de propagande américains pour inciter par exemple les noirs américains à s’engager contre Hitler.
Mein Kampf, après la chute du III° Reich
P. Reichel, de l’université de Hambourg , souligne la volonté après la guerre d’éradiquer le livre, considéré comme une « arme secrète » d’Hitler. Les bibliothèques stockent les ouvrages dans une pièce nommée « giftkammer » , la « chambre des poisons ». Mais pas de chambre des poisons dans les foyers allemands, aussi les ouvrages rejoignent les greniers ou même sont enterrés dans les jardins, tant cet « objet délicat » embarrasse les allemands, qui ne se résolvent pas tous à le détruire, alors que par contre les plaques d’imprimerie qui ont servi pour Mein Kampf sont fondues solennellement.
Actuellement en Alemagne, reproduire intégralement Mein Kampf, même dans un cadre scientifique est interdit, ce qu’a appris à ses dépens un professeur qui en a distribué un exemplaire photocopié à ses élèves dans le cadre d’une étude historique sur l’édition. Les droits d’auteur appartiennent à l’Etat de Bavière. Et lorsque le haut fonctionnaire chargé de cette vigilance, B. Schreiber, est interrogé sur son rôle, à savoir empêcher les nouvelles éditions, son embarras est plus que palpable face à la question suivante : la réédition n’est-elle pas empêchée par peur de son succès possible ? Si B. Schreiber évoque le respect pour les victimes, il apparaît que ce livre « qui parle », pour reprendre l’expression de l’historien P. Reichel, reste un tabou.
Les discussions sont passionnelles en Allemagne pour savoir s’il en faut une publication intégrale, et sans commentaire ou commentée, alors que le livre est en vente en Russie, ou en France, et connaît une « nouvelle jeunesse » dans une partie du monde musulman, Mein Kampfincarnant un « contre-livre de l’occident civilisé » selon le documentaire, et soutenant des idées antisémites. En 2005 l’Etat de Bavière est intervenu alors que 80 000 exemplaires d’une nouvelle édition se sont vendus en Turquie, faisant du livre un best-seller à l’échelle de ce pays.
Le documentaire a été suivi d’un entretien avec l’historien H. Möller de l’institut allemand d’histoire contemporaine, qui préconise une édition pour démythifier le texte. Beaucoup d’autres textes comme les journaux de Goebbels sont parus, accompagnés de commentaires, grâce à l’institut allemand d’histoire contemporaine. Möller souhaite une édition qu’on ne puisse pas instrumentaliser car elle serait commentée, avec des éléments sur la propagande, les influences, le contexte, les changements de style et de fond entre les plus de mille éditions de Mein Kampf et les près de 2600 modifications apportées au livre jusqu’en 1939. Il y a quelques jours le Conseil central des juifs d’Allemagne s’est également prononcé pour la réédition du livre, assortie de commentaires.
Pour en savoir davantage, sur le site d’Arte, lire l’entretien avec le réalisateur, A. Vitkine : http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/Les-breviaires-de-la-haine/Interview-du-realisateur/2015776.html
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